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Le Cas Jekyll
Création mondiale, 2018
Musique de François Paris
Texte de Christine Montalbetti d’après sa pièce éponyme
Mise en scène Jacques Osinski
Collaboration musicale Rachid Safir
Quartetto Maurice
Je veux que du mystère de ma vie
vous appreniez la solution épouvantable.
Ce bref monologue lyrique développe avec force et finesse le thème du dédoublement.
François Paris revient à l’écriture lyrique avec une œuvre qu’il présente comme « l’exploration de nouveaux territoires du paysage lyrique ».
Le résultat est saisissant.
Jean-Guillaume Lebrun – Concertclassic
Monologue inspiré par la nouvelle Dr Jekyll et Mr Hyde de Stevenson, cette pièce de théâtre est adaptée en livret et mise en musique pour la première fois par l’Arcal, donnant à entendre comment la voix sourde de Hyde, ce «gnome hilare», finit par coloniser la voix tranchée, nette et scientifique de Jekyll.
Mais n’est-ce pas la volonté même de trancher dans l’homme ce qui est indissociable qui a engendré le «monstre»?
Magnifique terrain de jeu pour un compositeur et un metteur en scène, où les voix surgissent des profondeurs de l’être, et où on ne sait plus très bien qui parle et d’où ça parle. Le traitement musical fait suite aux recherches du CIRM de Nice, permettant de faire surgir la voix de Hyde de nombreux corps – y compris de celui des violons.
Distribution
musique François Paris
texte Christine Montalbetti d’après sa pièce éponyme
mise en scène Jacques Osinski
collaboration musicale Rachid Safir
vidéo et scénographie Yann Chapotel
lumières Catherine Verheyde
costumes Sylvette Dequest
ingénieur du son dispositif électronique Camille Gugliaris (CIRM)
avec
Jean-Christophe Jacques, baryton : Jekyll / Hyde
et es silhouettes de Noémie Develay-Ressiguier et Grégoire Tachnakian.
Quartetto Maurice
Georgia Privitera violon
Laura Bertolino violon
Francesco Vernero alto
Aline Privitera violoncelle
Équipe technique Arcal
Ugo Coppin ou Nicolas Bignan (régie générale | régie lumière)
Emeric Adrian ou Thomas Guiral (régie vidéo)
Réalisation des images à la Ferme du Buisson (septembre 2018)
par Steeve François.
Le Cas Jekyll, par François Paris
Il est des propositions qui, dans la vie d’un compositeur, arrivent, comme par magie, au moment exact où l’envie de faire correspond au projet proposé.
Après Maria Republica * (production Angers-Nantes Opéra créée le 19 avril 2016) et avant de m’atteler à une autre grande forme lyrique, j’avais décidé d’approfondir mon expérience du théâtre musical tout en travaillant sur quelque chose de très différent. Ce contraste dans l’enchaînement des projets me paraissait souhaitable afin d’une part d’éviter de trop nombreuses redites rendues sûrement inévitables par la trop grande proximité de l’ouvrage précédent tout en me permettant, d’autre part, d’explorer avec gourmandise de nouveaux territoires du paysage lyrique.
Il me fallait donc m’atteler à un projet résolument différent que j’imaginais ainsi : projet court (pas plus d’une heure), petite formation (4 ou 5 musiciens sans chef), un chanteur (voix d’homme puisque Maria Republica comptait 6 rôles féminins contre un seul petit rôle masculin) et un dispositif technologique innovant me permettant de continuer à développer ce qui avait été réalisé pour l’opéra précédent.
Si la proposition qui m’a été faite par Catherine Kollen et l’Arcal répondait à la totalité de mes préoccupations énoncées plus haut, il restait cependant la question centrale du livret et du contexte dramaturgique à traiter. Cette question essentielle restait pourtant pour moi assez floue jusqu’à la proposition de Catherine de travailler sur Le Cas Jekyll.
Je ne connaissais pas le très beau texte de Christine Montalbetti ; je dois avouer que je ne savais pas que ce texte avait été maintes fois représenté et mis en scène au théâtre par Denis Podalydès et j’ai donc lu ce texte sans aucun a priori avec pour seule et unique préoccupation : ce texte peut-il devenir un opéra ? La réponse est oui !
Il y a des immémoriaux dans le domaine de l’opéra, le thème du double en fait partie (Cosi fan tutte de Mozart pour ne citer qu’un exemple prestigieux). Il s’agira donc pour moi d’explorer cette thématique avec mes moyens musicaux. En cela je poursuivrai et approfondirai ce que j’ai déjà abordé dans ma musique instrumentale : Lecture d’une vague où la flutiste se démultiplie en cinq reflets d’elle même ; Oxymore, solo pour deux percussionnistes. J’ai aussi traité de ce sujet dans mon ballet Les Arpenteurs (scène finale où une cellule se démultiplie à l’infini sur elle même) ainsi que furtivement dans Maria Republica où au tableau 7 Maria «se dédouble» grâce à la technologie.
Un quatuor à cordes est déjà a priori une formation qui porte en son sein la tentation du dédoublement. Les moyens technologiques associés à la voix de baryton et à cette formation instrumentale me paraissent constituer une palette prometteuse pour aller à la rencontre de Jekyll et donc aussi de Hyde…
* Maria Republica
opéra de François Paris pour 7 chanteurs, Ensemble de 15 musiciens et électronique
création : Angers Nantes Opéra 2016 | 19 avril 2016
Prix 2016 de meilleure création musicale par le Syndicat de la Critique
Note de Christine Montalbetti, préface au Cas Jekyll, éditions P.O.L. 2010
Hyde est dans une sorte de sabotage lyrique de la parole de Jekyll. Il la submerge, la rend instable. »[…]
« Derrière Jekyll, il y a toujours Hyde. Et derrière Utterson, il y a nous. La partie se joue donc à plusieurs. On a (peut-être) un seul bonhomme sur scène, mais on est beaucoup, beaucoup plus nombreux. »
« L’aventure commence une fin d‘après-midi d’été, nous avons rendez-vous à la librairie, Denis [Podalydès] et moi, nous faisons un petit tour des tables ensemble en échangeant des impressions ou des envies de lecture, comme nous aimons à le faire, à mi-voix, en manipulant les livres côte à côte, je ne sais pas ce jour-là ce que nous achetons. Puis nous allons prendre un verre à la terrasse du café voisin. Propos d’été, petites nouvelles de nos vies respectives, et ce rêve qu’il énonce de jouer Jekyll/Hyde (sorte de point limite pour l’acteur, m’explique-t-il, expérience troublante de se faire duel, d’incarner deux noms – deux forces, deux énergies – à partir d’un seul corps), et cette demande à brûle-pourpoint de lui en écrire le monologue.
J’avais parfois commencé de m’essayer à l’écriture de théâtre, mais trop de questions a priori m’arrêtaient, dont la principale était pour moi de savoir comment faire circuler la parole entre les personnages d’une manière qui ne tienne pas de l’échange ordinaire, qui ne renvoie pas à un régime réaliste de questions-réponses. Comment faire pour qu’il y ait un léger tremblé, un décalage, pour que puisse s’élaborer une parole dont les répliques ne s’accrochent pas les unes aux autres selon les règles de la simple conversation, mais qui réponde à une nécessité propre. C’était ce rythme-là que je ne savais pas comment trouver.
La demande de Denis, ainsi, était doublement libératrice.
Son attente, son désir de jouer Jekyll/Hyde, la confiance qu’il me faisait, me donnait envie d’y répondre, et la façon dont cette aventure était un cadeau réciproque d’amitié a été pour moi un moteur puissant.
D’autre part, le fait qu’il me demande de lui écrire un monologue me permettait de résoudre d’emblée cette question que je n’avais cessé de me poser à propos de la circulation de la parole entre les personnages. Il s’agissait bien sûr de se confronter à un mode d’écriture nouveau, tourné vers la parole proférée, qui réclame sans doute un autre rythme que celui de la voix romanesque qui peut prendre quant à elle le temps de (plus) luxueuses arabesques ; mais la forme du monologue constituait pour moi une sorte de transition douce.
Et à la fois, dans ce monologue, toutes sortes de voix devaient se tramer, coexister, se chamailler, dans une polyphonie constitutive et dynamique.
Tout d’abord, à réinventer à partir du texte de Stevenson, cette parole serait à la fois contemporaine, nécessairement, et à la fois chatoyante d’effets XIXe siècle, comme une teinte. Créer dans la phrase une profondeur de passé, une (fausse) perspective historique. Un double fond. Un maintenant doublé du brouhaha d’un autrefois. Une fiction de siècle ancien logée dans le creux même d’une phrase actuelle. Un sentiment de passé, courant dans le filigrane d’une parole contemporaine. Ou, si vous préférez, glisser dans la phrase un petit fumigène aux odeurs et aux couleurs de XIXe siècle, y introduire un peu de chimie désuète (nous aussi, nous amuser avec des pipettes). Et charrier dans le même temps la géographie de Londres, la brume, les tropismes anglais.
Surtout, ce monologue n’est pas un monologue univoque d’une manière encore plus radicale, puisqu’il doit nécessairement être travaillé par deux voix au moins, dans la fiction, celle de Jekyll et celle de Hyde.
A partir de cette donnée de la dualité de la profération, ce qui m’intéressait, c’était de ne pas séparer ces deux voix, de ne pas alterner simplement la voix de Jekyll et la voix de Hyde ; mais d’essayer de faire sentir comment la voix de Hyde colonise celle de Jekyll. Que le texte raconte l’histoire de cette colonisation, dans la voix même, dans le conflit des voix qui y sont à l’œuvre en même temps.
Au moment même où l’on croit que c’est Jekyll qui parle, c’est peut-être déjà Hyde qu’on entend.
Jekyll ici reconsidère sa vie. Sa jeunesse laborieuse et insatisfaite, ses découvertes scientifiques, jusqu’au geste fantastique de la dissociation et à sa décrépitude de personnage mangé par son double. Il se tient à la fois dans la souffrance et dans la leçon. Mais son effort de ressaisie scientifique, qui est le moyen qu’il trouve pour juguler son désordre intérieur, est aussi une sorte de délire rationalisant, et donc déjà du Hyde.
C’est cela que raconte ce monologue, comment la voix de Hyde joue des coudes pour se glisser dans celle de Jekyll et pour prendre progressivement toute la place.
Le discours de Jekyll est de plus en plus envahi par la parole insidieuse de Hyde. Elle la contamine. Elle y affleure et puis de plus en plus le dirige. Hyde est dans une sorte de sabotage lyrique de la parole de Jekyll. Il la submerge, la rend instable.
Et c’est exactement là le lieu du trouble.
L’inquiétude qui anime cette profération duplice est celle de savoir, à chaque instant, qui parle – et à qui. Car à cette dualité de la voix qui profère, s’ajoute ici la multiplicité des interlocuteurs, qui ne cessent eux aussi de varier. L’ami Utterson, auquel on (Jekyll ? Hyde ?) s’adresse. L’autre en soi (Hyde pour Jekyll, Jekyll pour Hyde). Et les spectateurs, qui ne sont pas en reste.
Derrière Jekyll, il y a toujours Hyde. Et derrière Utterson, il y a nous. La partie se joue donc à plusieurs. On a (peut-être) un seul bonhomme sur scène, mais on est beaucoup, beaucoup plus nombreux. »
Note d’intention, par Jacques Osinski
Il y a quelque chose de très excitant dans la proposition qui m’a été faite de mettre en scène Le Cas Jekyll. Excitation de la rencontre, de la nouveauté. Rencontre avec une écriture vive, précise et dense, celle de Christine Montalbetti. Rencontre avec une musique puissante et réflexive, celle de François Paris.
L’histoire de Jekyll est connue. Mais Christine Montalbetti la transforme, en fait une interrogation sur l’écriture et la mise en voix. Le texte a été un roman puis une pièce de théâtre avant d’arriver à l’opéra. Il y a dans ce cheminement une chose qui est au cœur de Jekyll / Hyde : la transformation. Ce passage de la solitude de l’écrivain à l’œuvre d’art totale qu’est l’opéra m’intéresse. Et peut-être cela fait écho à mon propre parcours. Après avoir mis en scène plusieurs opéras, je m’étais ces derniers temps recentré sur le théâtre et plus particulièrement ces derniers mois sur deux monologues, joués par deux grands acteurs, Lenz de Georg Büchner avec Johan Leysen, Cap au pire de Samuel Beckett avec Denis Lavant. Deux exercices très précis sur la langue, deux plongées dans l’écriture.
Mettre en scène Le Cas Jekyll, c’est peut-être pour moi comme un agrandissement, passer du monologue intime à un opéra intimiste. Passer d’un travail solitaire avec un comédien à un dialogue avec deux autres créateurs.
J’aimerais que les choses commencent simplement comme une conférence ordinaire. Un homme entre en scène et vient se raconter au public : « Je me suis pris comme objet d’étude par commodité. » Ce serait donc une conférence sur l’humain. Qu’est-ce qu’un homme, un homme comme les autres, « le miroir de chacun de vous, un exemple parmi d’autres » ? Petit à petit cet homme si banal, si proche du public se transforme, devient un autre, un étranger qui fait peur. Encore un homme ?
Pour ce passage de l’intime à la confrontation avec l’altérité, j’ai envie de retrouver le vidéaste Yann Chapotel, avec lequel – après l’opéra de Salvatore Sciarrino, Lohengrin, avec l’ensemble le Balcon et Lenz – une forme de compagnonnage s’installe. Pour Le Cas Jekyll, nous avons, je crois, envie d’explorer le quotidien, de jouer d’une certaine contemporanéité aussi, des codes de nos quotidiens pour les transcender et atteindre à une certaine épure. Sur scène, des objets sont filmés. Donner à ces objets banals, par le simple fait de les filmer, une dimension étrange. Explorer cette inquiétante étrangeté et pareillement, partir de cet homme banal qu’est Jekyll pour le voir se transformer de façon peut-être tout aussi banale et insidieuse, en un Hyde inconnu et violent. Utiliser pour ce faire, sur le visage de Jekyll, des filtres évoquant les « lenses » de réalité augmentée de Snapchat ou les filtres animés d’Instagram.
Plus que la violence, la bestialité de Hyde, Montalbetti explore l’éclatement du moi de Jekyll. Tout se joue peut-être dans l’adresse : Jekyll face aux autres, face au public se raconte. Et peut-être le silence de ce public est-il le moteur de la parole de Jekyll. Le public n’est pas un juge. Le public peut-être est un autre lui-même. Plus le public se tait, plus Jekyll parle. Plus Jekyll se dévoile, plus son moi éclate. Et tout se joue dans ce passage, du moi banal de l’homme de la rue « au petit théâtre de ce moi divisé » pour reprendre les mots de Montalbetti. De l’homme sur scène au public qui lui fait face et qui l’observe.
Production
Production Arcal, compagnie nationale de théâtre lyrique et musical
Coproduction Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines Scène nationale, CIRM Centre National de Création Musicale, Théâtre 71 Scène nationale de Malakoff, ProQuartet- Centre Européen de Musique de Chambre
Soutien Arcadi Île-de-France, Fonds de création lyrique (FCL), Département des Yvelines, SPEDIDAM
Résidences de création Le Château Ephémère, Fabrique Sonore et Numérique à Carrières-sous-Poissy, Théâtre de Sartrouville et des Yvelines CDN, Théâtre 71 Scène nationale de Malakoff
Remerciements Théâtre de Chair | La Ferme du Mousseau à Elancourt, La Ferme du Buisson – Scène nationale – Centre d’art – Cinéma
Dates
Plus de représentation à venir pour cette saison.
Historique des représentations
Ven. 9 nov. 2018
20:30
Théâtre 71 Scène nationale / Malakoff
Représentation
Ven. 7 déc. 2018
20:00
Opéra de Nice • La Diacosmie / Nice
Représentation
Dans le cadre d’une programmation du Manca Festival.
Mer. 6 fév. 2019
19:30
Théâtre 71 Scène nationale / Malakoff
Représentation
Jeu. 7 fév. 2019
20:30
Théâtre 71 Scène nationale / Malakoff
Représentation
Ven. 8 fév. 2019
20:30
Théâtre 71 Scène nationale / Malakoff
Représentation