Flamme incendiant les corps et les cœurs, Don Giovanni consume et consomme, dans une course avide qui tourne à vide mais le rend vivant. Dans ces conquêtes sans fin, n’est-ce pas, plus que la jouissance, la recherche effrénée de défis qui le survolte ? N’est-il pas le miroir de notre addiction au désir, à l’excitation et la consommation qui nous conduit vers l’abîme ?

L’argument

Don Giovanni, dans une quête effrénée des femmes, défie l’ordre et la morale, jusque devant le commandeur qu’il a assassiné. Les personnages qu’il croise mêlent le tragique au grotesque, l’amour pur à l’ambivalence, le profane au sacré, transcendés par la musique de Mozart dont l’intelligence aiguë perce l’âme humaine.

Texte d’intention de Jean-Yves Ruf

J’ai monté Don Giovanni à l’opéra de Dijon en 2013, avec le Chamber Orchestra of Europe, sous la baguette de Gérard Korsten. Une scénographie unique représentant une pente herbeuse.
Quand Catherine Kollen, directrice de l’Arcal, m’a proposé de me replonger dans cette œuvre, j’ai immédiatement dit oui, tant elle est riche et complexe. On peut s’y confronter tous les dix ans sans craindre la redite.

Assez vite, j’ai eu envie de proposer au chef Julien Chauvin que son orchestre, Le Concert de la Loge, soit non pas caché dans la fosse, mais exposé sur le plateau, qu’il fasse partie de la dramaturgie, de la scénographie. Une meute participante, mouvante, que les deux fuyards traversent, enjambent, parmi laquelle ils se dissimulent.

Les instrumentistes seront spectateurs de l’errance de Don Giovanni et Leporello, convives-danseurs au sein de la fête, prenant part pour certains à la traque de Leporello (qu’on prend pour Don Giovanni).

Je voulais en parler très vite à Julien Chauvin, voir avec lui si selon lui cela pouvait créer des soucis de balance entre les voix et l’orchestre, ou des résistances au sein du Concert de la Loge. Il a balayé mes craintes et s’est enthousiasmé pour cette proposition.

Il ne s’agira évidemment pas d’une version concert améliorée, mais bien d’une mise en scène.
La scénographie devra inventer des reliefs, des hauteurs, surélevant des parties de l’orchestre, offrant un terrain de jeu aux solistes. Des perchoirs, des chemins de traverses, des refuges. L’orchestre sera mobile, créant des dynamiques, jouant certaines séquences debout. Certains instrumentistes dont la partition est plus clairsemée seront des électrons plus libres, se glissant dans la peau de personnages périphériques, quittant le plateau pour revenir participer à l’action.

L’orchestre sera donc au beau milieu de la narration en cours, parfois plongé dans une pénombre crépusculaire, ou dans un brouillard matinal, ou strié de rayons lumineux.

Une version sans fosse, favorisant toutes les porosités possibles entre instrumentistes et solistes. Spécifique à la rencontre entre Julien Chauvin et moi-même, et aux particularités, à l’ouverture d’esprit des musiciens du Concert de la Loge.

J’ai toujours rêvé le personnage de Don Giovanni comme une figure complexe et chatoyante, faite de zones d’ombre, de rêve de grandeur, de petitesse, de courage, de lâcheté, de mauvaise foi, de sincérité, de perversité parfois.

Un vieil adolescent qui se débat avec la figure du père. Contradictoire, oscillant entre ses pentes intérieures, se fuyant lui-même, voulant maladivement séduire sans arriver à s’aimer. Il ne faudrait idéalement ni le détester ni le mythifier. Il me fait penser au Platonov de Tchekhov, un homme qu’on pourrait admirer ou trouver pathétique.

Jean-Yves Ruf
Février 2024

Eléments techniques

2h50 + entracte
Chanté en italien, surtitré en français
Opéra avec fosse, 53 pers. en tournée

Distribution

Direction musicale Julien Chauvin
Ensemble Le Concert de la Loge
Mise en scène Jean-Yves Ruf
Scénographie Laure Pichat
Lumières Victor Egéa
Costumes Claudia Jenatsch

Avec les chanteur·euse·s
Don Giovanni
Donna Elvira
Donna Anna
Don Ottavio
Le Commandeur
Leporello
Masetto
Zerlina

Production

Production Arcal
Coproduction en cours

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